Pour l’ouverture de la saison du Ballet du Grand Théâtre, Skid de Damien Jalet, nouvel artiste associé à la compagnie, et, en première mondiale, Ukiyo-e de son directeur Sidi Larbi Cherkaoui, feront jouer les forces qui cèdent ou résistent à l’attraction terrestre, par lesquelles nos existences fragiles parfois s’élèvent, tombent souvent. Ils prennent chacun de leur côté le parti de la résilience, pour exalter les cicatrices laissées par la blessure de la chute ou le vertige de la hauteur. Oscillant entre verticalité et horizontalité, Skid de Damien Jalet est présentée sur une plateforme inclinée à 34 degrés qui plonge directement dans la fosse d’orchestre, inspirée de la mesure de l’accélération gravitationnelle de la Terre, soit 9,8 mètres par seconde. Avec seulement deux entrées dans l’espace angulaire : au-dessus et au-dessous, les danseurs et danseuses dessinent des lignes d’histoire physique entre l’apparition et la disparition. Parfois épique, dangereuse, humoristique ou émouvante, la pente de Skid crée une réaction en chaîne d’événements physiques et émotionnels où la relation physique aux autres est souvent le seul réconfort contre l’appel du vide. Ukiyo-e, ou comment survivre ensemble dans un monde constamment en crise ? Méditation sur notre capacité de résilience, cette nouvelle pièce de Sidi Larbi Cherkaoui porte le nom des « images du monde flottant », le célèbre mouvement artistique apparu au Japon à l’époque d’Edo, dans les demi-mondes de l’hédonisme urbain. La pièce active un travail de l’équilibre face à l’impermanence. Au-delà des dualités, Sidi Larbi Cherkaoui propose d’envisager des corps qui ne se terminent pas avec la fracture et la limite mais plutôt d’exalter ces dernières comme des augmentations de notre personne, à l’image de la technique japonaise du kintsugi qui répare la porcelaine brisée par des jointures d’or pur. Le décor d’Alexander Dodge présentera un réseau d’escaliers impossibles dans lequel les danseurs et danseuses se perdent. Ces structures mobiles labyrinthiques visent à évoquer l’ascension aussi bien que l’abîme. C’est dans cette suite de degrés, potentiellement habilitants ou incapacitants, que les corps sont appelés à s’unir, dialoguer et se contaminer les uns les autres. La performance sera accompagnée sur scène des nouvelles compositions de Szymon Brzóska pour trio à cordes et piano ainsi que des créations rythmiques percussives et électroniques d’Alexandre Dai Castaing. Réunis dans Ukiyo-e, ces univers entrent en résonance avec la recherche de réparation et de transcendance déployée par le ballet.

Ballet du Grand Théâtre de Genève.