Antigel à la Maison Saint-Gervais

Sobre, puissant et beau, un solo comme une décharge d’émotions. Tout en maîtrise, Tatiana Chizhikova décortique la danse traditionnelle de son pays pour mieux traduire sa propre déchirure.

Costume noir et sévère, cheveux tirés en arrière, visage impassible, Tatiana Chizhikova entre dans la danse. Celle qu’elle a dans le sang, qu’on lui a enseignée alors qu’elle était enfant. Mais peut-elle seulement remettre ses pas dans ce folklore virevoltant, solaire et glorifiant ? Alors que les notes de l’accordéon s’emballent, la panoplie tombe, laissant entrevoir une Russie courroucée et meurtrie. Digne jusque dans son désespoir.

Tatiana Chizhikova appartient à la toute jeune génération d’artistes russes. Repérée et récompensée il y a quelques années au festival ImPulsTanz de Vienne, installée à Berlin, elle impressionne par la maturité de son geste et le lien organique qu’elle entretient avec la musique. Espaces symboliquement chargés, ses œuvres questionnent les récits dominants et les identités nationales en les subvertissant de l’intérieur, c’est-à-dire en les incorporant, littéralement. L’occasion d’une danse sous haute intensité.

ON / OFF Geneva
On ne saurait réduire une personne à sa nationalité. Pas plus qu’à son genre, sa religion ou ses origines ethniques. Les artistes qui composent ce programme, imaginé avec les curatrices Nika Parkhomovskaia et Dina Khuseyn et la Maison Saint-Gervais, sont russes. Certains sont en exil, d’autres résident encore dans leur pays ; tous condamnent l’invasion de l’Ukraine et se mettent, par là-même, en danger. Mais ce sont avant tout des artistes que nous vous proposons de découvrir. Des chorégraphes, danseurs et musiciens, dont la qualité du travail, au-delà du contexte actuel, nous a séduits, émus, impressionnés. Un irréductible souffle créatif qu’il nous importe, plus que jamais, d’honorer.