Poursuivant l’exploration de l’opéra-ballet commencée avec Les Indes galantes il y a déjà deux saisons, le Grand Théâtre et Leonardo García Alarcón à la tête de sa Cappella Mediterranea, s’attribuent les services d’Angelin Preljocaj, la figure de proue de la chorégraphie française, pour mettre en scène Atys, ce chef-d’œuvre quelque peu oublié du grand Lully. Il y a quelque chose dans cet opéra qui mène à l’obsession. Louis XIV en était si épris qu’on l’entendait fredonner les airs lorsqu’il se promenait dans le palais. Exhumé par William Christie en 1987 avec la renaissance du baroque, plus personne n’osait approcher ce graal du répertoire de la pratique historique. L’intrigue mythologique de l’opéra, établie par le librettiste Phillippe Quinault, est pourtant assez simple. Tirée d’Ovide, elle raconte un quadrangle amoureux : le jeune Atys, prêtre de la déesse Cybèle, et Sangaride s’aiment, mais Sangaride doit épouser Idas, le roi de Phrygie, et Cybèle aime à son tour Atys. Les triangles amoureux impliquant des divinités ont tendance à se terminer particulièrement mal et celui-ci ne fait pas exception. Cybèle utilise ses pouvoirs pour qu’Atys tue Sangaride. Quand Atys réalise ce qu’il a fait, il se donne la mort.

Atys est un tournant, le premier opéra de son genre – la tragédie lyrique – à se terminer de façon… tragique. Comme les liaisons de Louis XIV étaient connues de toute la cour, le fait que ses personnages soient punis pour leurs désirs rend l’infatuation du roi pour Atys d’autant plus surprenante. Son mélange capiteux de sensualité et de rigueur est ce qui a attiré les gens, y compris le chorégraphe et ici aussi metteur en scène Angelin Preljocaj. L’artiste prolifique aime en effet explorer les univers les plus divers et tisser des liens entre aujourd’hui et hier, la tradition et la modernité, des éléments qui semblent, au premier abord, disparates. Il est rejoint à la scénographie par une artiste plus téméraire : dans sa pratique audacieuse et pluridisciplinaire – qui allie la conceptualisation de haut vol à la performance, à la photographie, à la vidéo et à la sculpture – la jeune plasticienne française Prune Nourry fait des déclarations incisives sur des questions allant de la politique du genre au dialogue interculturel. Sa scénographe pour cette production d’Atys sera sa première incursion sur la scène de l’opéra.

La question que pose Atys est simple : comment exprimer ce que nous ressentons ? La réponse n’est pas évidente, mais à notre époque définie par l’émotion à tout va, le style baroque nous enseigne que ce n’est qu’en vertu de la forme que les émotions acquièrent un véritable sens. Les danseurs et danseuses du Ballet du Grand Théâtre donneront corps à cette histoire de non-dits et de réticences. Et les chanteurs prêteront leur voix aux personnages en guerre contre la révélation de leurs propres sentiments. En tête d’une distribution de spécialistes baroques, la voix angélique d’Ana Quintans en Sangaride et le ténor percutant de Matthew Newlin dans le rôle-titre.

Auteurs / Distribution :

Mise en scène et chorégraphie Angelin Preljocaj

Musique de Jean-Baptiste Lully

Direction musicale Leonardo García Alarcón

Livret de Philippe Quinault d’après Ovide

Créé à Saint-Germain-en-Laye en 1676

Pour la première fois au Grand Théâtre de Genève

Coproduction avec l’Opéra royal de Versailles

Décors Prune Nourry

Costumes Jeanne Vicérial

Chœur du Grand Théâtre de Genève

Ballet du Grand Théâtre de Genève

Cappella Mediterranea